Il y a 5000 ans, début de l’âge du bronze, Europe de l’Est (de l’autre côté du bois).
Époque où l’Homme apprit à travailler le métal, surtout l’alliage du cuivre et de l’étain, parfois aussi de l’arsenic. Une matière ô combien utile, mais qui faisait des armes de bien piètre qualité.
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Voilà des années que le forgeron avait entrepris son périple en quête d’un métal si pur, si dur, que nul autre alliage ne pourrait en venir à bout.
Le chef de la tribu, le cruel Artamor, en avait entendu parler : une boule de feu venue des cieux qui se serait écrasée au nord. Loin au nord, au royaume des hivers éternels, là où, dans la nuit obscure, se joue dans le ciel un ballet de couleur et de lumière.
Mais ceci est une autre histoire …
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« Je trouverai le feu, la puissance nécessaire et l’épée sera forgée ! Père, ton nom tu retrouveras ! Artamor aura ce qu’il veut et nos ennemis en paieront de leur sang… »
Ainsi avait parlé le fils du forgeron.
Bien que le cœur noirci et endoctriné par des années au service de son seigneur, ce fut, avec au fond de lui une étincelle d’espoir, d’amour même, qu’il entreprit le voyage.
Une quête qui le mena bien loin de son village, longeant la côte nord de la mer d’Erion jusqu’au contrefort d’Esacuac, chaîne montagneuse dominée par l’Autig-nem. Une montagne au double pic, là où aucun homme n’eût encore foulé la surface.
C’est là-bas qu’il devait se rendre. Au sommet de cet immense caillou que les gens du coin vénéraient. Les histoires locales racontaient la puissance en son sein, d’un feu si chaud qu’il en ferait fondre la roche même de la terre.
Cependant, de mémoire d’homme, aucun feu, si puissant soit-il, n’eût été perçu. Seul parfois au cœur de la nuit, quand un tremblement se faisait sentir, des lueurs flamboyantes émanaient du sommet, suivies de grognements, réveillant encore les hommes endormis.
L’ascension semblait impossible ; les pics étaient prisonniers des glaces et l’objectif de trouver la source de chaleur nécessaire à la forge de l’épée restait plus qu’incertain. Mais il sentait dans son corps quelque chose qui le poussait à aller là-haut, son intuition bouillonnait, irrésistible…
C’est donc dans une brume épaisse, épuisé et les extrémités des pieds et des mains meurtries qu’il atteignit, non loin de la cime, une grotte où il pourrait se reposer. Assommé par la fatigue, il sombra dans le sommeil, ses dernières pensées allant à son père et à son maître.
La terre trembla…
• Qui ose pénétrer en mon antre ? … Haa … Bonjour, petit homme.
À la vue de la créature qui se dressait devant lui, le fils du forgeron resta pétrifié.
• Qui es-tu pour avoir gravi ce chemin qui se refuse aux autres de ton espèce ?
• … …
• Que veux-tu ? N’as-tu point peur de la mort ?
De la fumée brûlante s’échappait d’entre les dents acérées de cette bête à la peau plus noire que le charbon. Ses ailes saillantes se déployaient lentement, laissant apparaître à l’arrière une queue puissante se terminant en une pointe.
Les légendes pouvaient-elles dire vrai ? Un dragon…
• J… je… je suis ici pour le feu. For… forger l’épée, mon maître… se venger…
• Quoi ! Tu veux le feu !
Gronda le gardien des lieux d’une voix si rauque qu’on l’aurait cru venue des profondeurs de la terre.
Une flamme jaillit de sa bouche caverneuse.
• Pour te venger ! Forger l’arme qui permettra à ton maître d’imposer son courroux … Mmmh
Je vois en toi toute la noirceur, ton ombre est grande.
Mais sais-tu ce qu’implique la possession d’une telle énergie ?
• Il… il .. il y aura de l’or, beaucoup d’or pour vous ! Je vous donnerai ma vie, du sang coulera en votre honneur mais je vous en supplie, octroyez-moi ce feu.
Les yeux durs du dragon scintillaient, ses narines palpitaient.
• De l’or ! Ha ha, ricana le dragon.
Plus que l’obscurité de l’âme du jeune homme, c’était la sagesse et la bonté d’un cœur pur qu’il percevait.
Il se dressa de tout son poids sur ses lourdes et robustes jambes écailleuses et écarta ses ailes majestueuses.
• De l’or et du sang … C’est d’accord, petit homme ! Monte et mène-moi.
La lune était pleine et les étoiles brillaient quand le garçon chevaucha « Black Dragon », le menant à travers les cieux du sommet de la montagne jusqu’à sa terre natale « de l’autre côté du bois ». Perçant les nuages, ils survolèrent cette immense étendue d’eau qu’est la mer d’Erion et le chemin du retour se fit bien plus rapide.
Ce changement de point de vue troubla le fils du forgeron qui prit soudain conscience de la place que pouvait prendre les Hommes sur cette terre…
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C’est forges d’Avtabar que tout bascula.
Le dragon, de part sa seule présence, tenait à l’écart les villageois. Seul le forgeron et son fils soutenaient son regard. Quant à Artamor, il venait, jubilant, à quelques dizaines de mètres, entouré de sa garde personnelle, vérifier que le travail avançait.
La forge projetait une lumière presque magique, aveuglante, et la chaleur qui en émanait était difficilement soutenable. Venant de ses entrailles, la créature y avait déposé sa relique, une sphère iridescente… le feu sacré.
Le bruit saccadé des marteaux battait la mesure, chauffe après chauffe, étincelle après étincelle, sueur perlant et rides se creusant ; il fallut deux jours et deux nuits pour forger l’épée.
Quand, à l’aube du troisième jour, les premiers rayons du soleil transpercèrent à travers la forêt, père et fils vinrent à bout de ce métal noir, si dur, venu des cieux.
‘ UNE ÉPÉE DE LÉGENDE ÉTAIT NÉS ’
Chargé d’or et d’esclaves, Artamor arriva.
« Dragon ! Je m’en viens prendre possession de mon bien. Voilà ton dû ! Et ne sois pas inquiet, du sang coulera, ta gloire sera grande. Maintenant, retourne en ton antre, Artamor est seul maître sur ses terres ! »
Le chef s’empressa de saisir l’épée et, à cet instant même, se sentit faillir. Ses forces l’abandonnaient et son bras se paralysait.
• Pauvre fou … ! Crois-tu que l’or m’intéresse ?
Ou bien crois-tu encore que Black Dragon puisse s’enivrer du sang des innocents ?
Se tournant vers la foule qui avait suivi le seigneur, il déclara :
« Le jour est venu de célébrer votre renaissance, l’âge sombre est révolu.
Le feu sacré brûle dans votre forge mais c’est dorénavant en chacun de vous que sa lumière rayonnera.
Cette sagesse millénaire, votre devoir est de la répandre et de la protéger.
L’épée est maintenant forgée, elle porte en elle la puissance des astres et la force de mon âme.
IRYPTODE, maître forgeron, qui a vu son nom bafoué depuis tant d’années, en est le créateur.
C’est son fils ROIPSÉ, au cœur pur, qui en sera le porteur.
Petits Hommes, votre liberté vous est due. Soyez-en dignes ! »
Sur ces mots, il cracha une flamme ardente porteuse d’éther, la terre trembla, et suivi d’un bruit sourd, le dragon décolla. Tournant sur lui-même jusqu’à transpercer les nuages, il disparut.
Et c’est ainsi que la confrérie du feu sacré s’organisa sous l’égide de ROIPSÉ
Prince d’au-delà du bois – dompteur de dragon – 1er détenteur de l’épée d’Iryptode.
L’histoire raconte que l’épée fut transmise à travers les siècles, son existence relatée jusqu’à de très lointaines contrées bien « au-delà du bois »…
N.M